L’oublié du fond de la classe ! Pas si bête…
Un groupe n’est pas un groupe si même un seul de ses individus n’est pas considéré. Un grand astronome, lors de ses cours, cherchait dans sa salle de cours de l’observatoire de Paris une personne qui avait les dehors de quelqu’un qui ne réussirait pas à suivre son cours, et le prenait comme référence de la compréhension de l’entièreté de la salle. Alors, je ne le cite pas car il s’appuyait sur un jugement pour choisir sa cible. Par contre, l’idée est là : personne ne doit être abandonné. Surtout que nos Hauts Potentiels, très souvent, font partie de ceux qui « ne comprennent pas » comme tout le monde. La connaissance, distillée de manière évidente par les tenanciers du savoir que nous sommes, les adultes, ne peuvent être absorbées telles quelles. Épistémologiquement, une connaissance doit être construite et tenir une consistance logique. Pourquoi affirme-t-on que la somme des angles d’un triangle est de 180° ? Notre enfant Haut Potentiel voudra savoir pourquoi… Mais il n’y a pas de pourquoi, car c’est un axiome que l’on pose. Quiconque voudrait démontrer cette règle se trompe, surtout en utilisant un rapporteur ! Et changer cet axiome, c’est donner naissance à une autre géométrie, qui ne sera plus la géométrie euclidienne… c’est toute l’histoire du 5e postulat d’Euclide !
Notre élève Haut Potentiel pose donc des questions qui dépitent certaines personnes et se font alors catalogués comme non-comprenant. Mais je suis convaincu que ce sont eux qui détiennent la clé de la compréhension. Une théorie, une modélisation, un paradigme, reposera sur un système axiomatique (voire des postulats, heuristiques ou non). Ce sont des indémontrables. Notre enfant Haut Potentiel a cette qualité de les détecter, et ce « défaut » de ne pas les accepter ! Mais si l’on donnait leurs vraies places dans l’enseignement à l’épistémologie et à l’herméneutique, ces enfants seraient moins pris pour des « extraterrestres » car leur gêne dans la compréhension des savoirs dits « évidents » est le révélateur du besoin d’une pédagogie nouvelle reposant sur les bases même de la construction d’une transmission de la connaissance.
Et l’oublié du fond de la classe, celui qui dérangeait par son trop plein de questions et qui s’est peu à peu réduit au silence, nous rappelle ce que l’on se doit d’être : un « écoutant ! » Einstein ne disait-il pas que les questions des enfants sont les plus déstabilisantes.
Nous ne devons pas abuser de cette confiance épistémique qu’ont par nature les enfants envers l’adulte, elle est précieuse. Les équipes pédagogiques de Cyrano sont formées à la prendre en compte et développent une écoute vigilante de l’enfant, tant sur le plan cognitif qu’affectif.
Stéphan Bousquet